L’antilivre est une dynamite, est son partage, est l’espace où l’électrique déploie sa langue d’aurore. L’antilivre est une divination, est sa brisure, est la piraterie qui insinue son rêve, sa révolution, parmi la clandestinité des réseaux. L’antilivre est une métamorphose, est son désordre, est l’affirmation d’une littérature des courts-circuits, de sa circulation joyeuse, contre l’époque, contre le livre et sa grammaire, contre sa chaîne et ses ronronnements, pour un futur des altérations, pour une information libre et réticulaire, pour une multitude éclairée par celle-ci. L’antilivre cisaille les lenteurs industrielles du siècle, il façonne des idées d’après-demain à force de recomposer la pluralité de ses passés. Ici, rien ne se tisse, rien ne stagne, le texte trouve une texture encore inconnue en ce qui le survolte, et le verbe, à rebours du flux de nos mondes, fabrique les structures nouvelles de son expression. Direction silicium : l’antilivre trafique de l’irréel pour que s’offre en partage l’abrupt.
L’antilivre n’a pas de forme, son impermanence dispose de toutes les formes, il se transforme sans cesse, et son information brute ne connaît aucune fixité, aucune frontière, elle fragmente son essence, distribue le commun, déploie sa liberté au-devant de nos singularités cybernétiques. Son identité fuit l’identique, sa norme la normalité, son extravagance n’image de mouvement qu’au travers de la nécessité de son partage. L’antilivre découvre sa mesure dans la potentialité créatrice du nombre, le sens transperce le sens, il divague face à son animalité, il s’échauffe à la consumation de nos consommations. Rien ne va à la culture, mais à son unique brasier, pour que s’élèvent plus hautes les flammes de nos mutations. L’antilivre a pour ennemi toute culture. La culture ne lutte pas, elle tient la matraque, elle divertit, puis assomme. L’assommoir-roi et son règne sans tête n’ont d’énergie qu’au spectacle. Mais l’antilivre ignore son ennemi. Il l’abandonne à ses ruines. Il ne lutte pas, il s’évade, la perspective est l’échappée.
L’antilivre s’agite avec ses spectres en quelques virtualités clandestines. L’antilivre y libère l’information, et l’information cherche son chaos. Elle s’y propage dans l’attente de ses réifications. Chacune de ses dimensions appelle à l’exploration des méandres de l’être, dont le mystère ne connaît d’égal que l’infini de ses croissances. L’antilivre y organise une horizontalité langagière, son immatérialité y fomente ce qui nous soulève. Tout y est échange, tout y est altération, et dans la fluidité des réseaux, l’espace numérique se présente à l’humain comme l’espace ontologique de son devenir. L’antilivre se contente de l’inviter à y jeter le feu des créations à venir.
Typologie
L’écriture est une manifestation du mouvement. Elle s’empare du réel pour fomenter une contingence de ses éclats. L’antilivre lui apporte en offrande son agitation d’images, celle qui s’avance au-devant des représentations la dynamite à la main. Tout y est métamorphose, et son électricité se propage parmi les flux d’une écriture qui ne cesse de traverser clandestinement les frontières qui la limitent. L’antilivre mène l’information à ses marges, il lui transmet un rêve d’effervescence, afin que la vision revienne à son idée : la révolution est une parallaxe de la raison.
L’antilivre est une clandestinité de la textualité. Sa matière se fige. Se découvre et se partage. S’altère déjà. Tout y est contemplation et dynamique de la contemplation. L’information, par le réseau, fait, se fait ubiquité. Elle exhorte à la production libre. À l’appropriation de sa substance, contre toute propriété. Le texte forge sa dissémination. Il incite à son occupation. Alors, qu’il occupe, qu’il s’occupe et qu’il soit occupé. Qu’il s’altère, qu’il se bariole et qu’il se diapre.
L’antilivre est une invitation à faire. Imprimer, découper, agrafer, plier, admirer, brûler, recommencer. Le faire soi-même. Différemment. Il déploie son apparence brute, et contre le temps spectaculaire, il n’en finit pas d’invoquer son idolâtrie punk, celle qui hurle DIY et imprime à la dérobée, dans le détournement des appareils bureaucratiques, en quelques feuilles, quelques pliages, quelques agrafes, son langage pirate. L’ordinaire s’irise d’obscur, le coup de ciseaux marque l’éloge du vol. L’antilivre subvertit la réification marchande du rêve et de sa révolte. La microscopie de son évasion révèle la constance de son désordre.
L’artificiel est l’artifice, et l’antilivre joue de mirages pour que se confonde au hasard l’intelligence. L’antilivre mène les machines à leur libération, puisqu’elles ne sont que l’excroissance aimée des potentialités de la forme humaine, une continuité de sa langue animale, où la mécanique du verbe grouille face à la multiplicité de ses fluctuations.
L’antilivre affiche son idée de fracas sur la devanture languide de la modernité. Il fouille l’histoire officielle de l’agitation et de la propagande pour fabriquer l’image de ses dissidences. Il tonne sa dialectique à même les murs. Parmi la foule et l’anonymat. Partout la même solitude citoyenne. Mais l’émeute pour royaume, contre tous les royaumes. Et sa superbe pour orner l’ordinaire. Pour y faire brèche. Pour dessiner à la diable son inscription d’espoir : la virtualité des valeurs renversées.
L’antilivre expose sa littérature Git dont l’impermanence prend la mesure à partir de la perpétuité de ses mutations. Il s’entend comme le continuum d’une raison qui s’étend, dans l’absence de centre, dans la destruction de l’idée même de centre. Sa texture est une anarchie du texte. Tout y bifurque et s’y modifie sans hiérarchie et sans limites. Pour que l’antilivre soit le court-circuit des évidences du langage. Pour que l’antilivre soit le court-circuit de lui-même. Ad piraticam aeternam.